Les trois portes ( sat, chit, ânanda )
" Le principe divisible est formé de trois constituantes inséparables, base de tout ce qui existe. Elles forment la substance du créateur et du créé. Ces trois constituantes sont appelées l'existence (sat), la conscience (chit) et la félicité (ânanda).
Du point de vue de l'existence (sat), pour tout être créé, qu'il s'agisse d'une étoile, d'un atome ou d'un être vivant, il existe deux instants cruciaux, appelés des << passages >> (dvâra), correspondant aux moments où la non-existence et l'existence se touchent, où le principe créateur est en contact direct avec l'être créé. Ces deux passages sont la naissance et la mort, à travers lesquels l'être vivant peut entrer en contact avec son créateur. C'est pourquoi le ventre de la mère et le bûcher funèbre sont des lieux magiques et sacrés. Les ascètes vénèrent les organes procréateurs et s'enduisent de la cendre des bûchers dans leurs tentatives de se rapprocher (sâmipya) de l'être divin.
La deuxième porte est celle de la conscience (chit). Par la voie de la connaissance, l'être humain s'efforce de comprendre la nature du monde, le secret de son origine. C'est la voie métaphysique du sâmkhya et de son corollaire le yoga dont le but est d'explorer l'univers intérieur de l'homme, image de l'Homme Universel (Purusha). C'est aussi la voie de l'ascétisme qui, en contrôlant et maîtrisant les impulsions et les énergies du corps, permet de multiplier la puissance mentale et d'ouvrir la porte du conscient vers la nature secrète du monde que les barrières des sens nous empêchent de percevoir.
La troisième porte est celle de la volupté (ânanda). C'est principalement dans les instants du plaisir sexuel que l'homme oublie ses préoccupations humaines, ses intérêts, ses vertus, pour retrouver cet état de bonheur , de jouissance, qui fait partie de la nature de l'être divin. C'est dans l'acte d'amour que nous sommes le plus simplement, le plus innocemment proches du divin et si nous savons en prendre conscience, percevoir directement la nature divine de la volupté, nous ouvrons là aussi un passage qui est le plus direct, le plus immédiat entre l'homme et Dieu. C'est pourquoi les mystiques s'expriment dans les termes de l'amour physique. Il ne s'agit pas de ce vague élan de bienveillance envers les créatures que l'on appelle amour, dans un sens dévalué, mais bien de l'expérience d'intense bonheur dans lequel notre être participe de la nature divine et, éventuellement, collabore au mystère de la création de la vie.
Les pratiques et les rites du tantrisme, qui sont ouvertes à tous sans restriction de caste, de sexe ou de nature, ont pour but de permettre à chacun, à travers les trois passages, de se rapprocher de l'être divin sur le plan de l'existence, de la conscience et de la volupté. Les pratiques du tantrisme sont multiples car il n'existe aucun aspect du créé, aucune forme d'action qui ne soit une image, un reflet, une expression de la nature de l'être divin. La substance du monde et celle du créateur sont une, et chaque aspect du multiple porte la marque de la triple nature du principe dont il est issu. "
Il ne s’agit pas de voir cet Sat-Chit-Ananda comme un état parfait à essayer d’obtenir, mais de se rendre compte au contraire qu’il s’agit de notre état profond naturel quand on ne le charge pas de nos « projets », de nos envies et de nos peurs.
Lorsqu’on ne fait l’expérience de Sat-Chit-Ananda, ne serait ce qu’une fois, on est marqué à jamais.. On sait que l’on est Cela. Cet état ne dure pas (aucun état ne dure, tous les états sont temporaires et destinés à évoluer), car il est rapidement recouvert de notre fonctionnement mental et le ‘moi’ se restructure très vite en conceptualisant Sat-Chit-Ananda, en donnant une définition de l’éveil, qui empêche en fait de sentir ce qui est toujours éveillé en nous.
Sat-Chit-Ananda résume ce que l’on entend par éveil: existence, conscience et félicité/amour. Les grandes spiritualités nous disent que nous sommes cela, que nous l’avons toujours été. Nous avons « déchu » de cet état de présence et de grâce, par le fait que notre mental et notre ego se sont développés. Il ne tient qu’à nous, par des pratiques et des prises de consciences, de réaliser ce que nous sommes vraiment: pure existence, pure conscience et pure félicité et amour sans objet.
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